Crédit photo : Alexandre Isard
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Lorsqu'on interroge Sébastien Gaudard sur son métier, il lui arrive de répondre, plutôt que « pâtissier »,
je fais des gâteaux. Pure gourmandise… au vu de l'air espiègle qui illumine son visage. Ce penchant pour le
sucré lui est révélé à la naissance, en janvier, “dans les galettes” de la pâtisserie de ses parents, à
Pont-à-Mousson.
Sa technique profite, plus tard, des enseignements de Georges Vergne, à Belfort, puis de Gérard
Banwarth, à Mulhouse.
En 1993, il se présente chez Fauchon. Commis, adjoint, puis second de Pierre Hermé pendant trois ans,
il lui succède, en janvier 1997 - il n'a alors que 26 ans - aux commandes de l'atelier de pâtisserie.
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Pendant huit ans, place de la Madeleine, Sébastien Gaudard dispose d'une fabuleuse « épicerie du monde »,
au gré de laquelle son esprit curieux trouve sans cesse matière… à voyager encore plus loin que ses
inspirations. Ainsi, les thés des jardins les plus prestigieux lui suggèrent une très inattendue tarte au darjeeling,
bientôt devenue un classique. Désireux, tout autant, de solliciter notre mémoire gourmande, il est l'un des
premiers pâtissiers parisiens à remettre éclair, religieuse et saint-honoré au goût du jour.
Attentif au fond comme à la forme, il élabore le premier « gâteau-puzzle », constitué de parts autonomes ou à assembler, baptisé
Auguste en hommage au fondateur de Fauchon. C'est une alliance de saveurs en cinq modules de chocolats de
grands crus, associés au poivre de Java, au thé de Darjeeling, au café du Zimbabwe, au miel de Provence et à
la griotte d'Alsace. Identifiable par un pictogramme, chaque pièce est triangulaire, “parce qu'il n'y a rien de
meilleur qu'entamer une pâtisserie par les coins”… Et, si elle est plus rebondie en son coeur, c'est pour
amener le gourmand au jeu d'une dégustation aléatoire. Création parfaitement aboutie, Auguste synthétise, déjà, la
réflexion menée par Sébastien Gaudard : comment lier le goût, la forme, l'aspect et le nom d'une création.
Partisan des saveurs et des textures nettes, il joue des contrastes sans les opposer. « Je cherche les goûts qui
s'aiment », se justifie-t-il.
A partir de 1999, il développe sa société de conseil aux pâtissiers, restaurateurs et industriels. Et aiguise son
appétit créatif au fil de ces collaborations nouvelles. En novembre 2003, il ouvre, au premier étage du Bon
Marché, à Paris, le delicabar. Un lieu où le savoir-faire pâtissier s'affranchit des normes et orchestre le dialogue
entre sucré et salé. Le même croustillant feuilletage y sert un millefeuille pomme caramélisée et un « fine-feuille »
aux légumes confits et au caviar d'aubergine ; le sabayon y est proposé à la courgette et aux agrumes teintés
d'épices ; le chocolat, décliné en barre, en boisson, en bonbon, soutient aussi la compagnie du foie gras ; et le
« bubbles », une crème vaporeuse nichée sous une coque profilée comme une goutte de bonheur, est aussi
irrésistible à la carotte qu'à la mangue… L'humeur acidulée du designer Claudio Colucci, aux tonalités rose,
orange et anis, est distillée dans le décor comme dans les assiettes. Elle accompagne joyeusement le propos
culinaire, toujours d'une extrême précision, comme l'exige la technique pâtissière. Intentionnellement, les recettes
salées laissent la part belle aux plaisirs sucrés. Délicieux souvenir du bonheur de l'enfance, que Sébastien
Gaudard décline bientôt au Dooobar, toujours au Bon Marché.
Le pâtissier n'en a pas, pour autant, délaissé ses rêves d'ailleurs, qui mûrissent actuellement de projets au Japon,
en Corée, à Paris… et d'un livre de recettes pâtissières salées ou sucrées paru en octobre 2006 :
sébastien gaudard, agitateur de goût(s) chez Hachette Pratique
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